Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/07/2009

Je refuse d'être payé pour mes corrections du bac...

Comme certains le savent déjà, je suis fort fâché contre l’Education nationale et, surtout, contre l’hypocrisie qui peut y régner, en particulier quant à cet examen du baccalauréat qui n’est plus qu’un rite vidé de son sens premier et condamné à n’être qu’une triste mascarade dont nos élèves sont les premières victimes alors qu’ils mériteraient plus de soins et de considération. Je suis certes très content de la réussite de mes élèves et des autres, mais je suis furieux contre cette institution scolaire qui dévalorise le travail des professeurs en dévaluant sciemment le bac et sa qualité : certains me disent que cette stratégie de l’Education nationale vise à « démocratiser » l’accès aux études supérieures, je leur réponds que cela n’est ni à l’honneur de la démocratie ni à celui de l’Education nationale !

 

Comme prévu et déjà annoncé ici, je refuse d’être payé pour cette correction de 50 copies et pour les oraux de rattrapage de ce mercredi matin, et je m’en explique dans la lettre ci-dessous transmise au centre de paiement des examens :

 

 

 

Madame, monsieur,

 

Considérant que le baccalauréat n’est plus qu’une triste mascarade, en particulier au regard de la teneur des sujets proposés et des consignes démagogiques et antipédagogiques données aux correcteurs, le plus souvent oralement,

je vous indique, par la présente lettre, mon refus d’être payé pour mes corrections de cette session 2009 (50 copies) : je refuse les « 30 deniers » versés par l’Education nationale pour ce bac 2009 qui n’est rien d’autre qu’une double trahison, celle de l’intelligence et de l’espérance.

 

Trahison de l’intelligence, car le bac créé il y a 200 ans par Napoléon 1er ne couronne plus des compétences ou des savoirs mais les « efforts » des candidats (comme l’expliquait un IPR d’histoire il y a deux ans) sans juger des qualités intellectuelles et du travail véritablement accompli…

 

Trahison de l’espérance, car de nombreux élèves d’établissements moins favorisés que celui où j’enseigne se font du bac une idée qui n’est plus, dans la réalité, qu’une illusion : d’où les désillusions postérieures, les ressentiments et un triste gâchis…

 

 

Professeur d’histoire-géographie de l’enseignement public, je le suis par vocation, passionné par mon métier comme par les matières que j’enseigne, par ce devoir de transmission et d’éveil des intelligences : ainsi, cette mascarade d’examen me navre et me paraît être une insulte à l’honneur de la fonction et de la mission confiées par l’Etat à mes soins comme à ceux de mes collègues.

 

D’autre part, en période de crise et de disette financière, au moment où nos collègues enseignants de Lettonie, pays de l’Union Européenne, voient leur traitement presque divisé par deux (!), à l’heure où tant de nos concitoyens, souvent parents d’élèves ou anciens élèves, souffrent du chômage et d’une perte importante de revenus, il me paraît indécent de toucher une prime pour la correction d’une épreuve malheureusement vidée de son sens et de sa portée originels.

 

Je tiens à signaler que ce refus d’être payé pour mes corrections de 50 copies du bac (session 2009) est et reste un acte individuel, assumé et revendiqué seul : il n’engage aucun de mes collègues, bien sûr, mais veut signifier que je préfère renoncer de moi-même à ce petit privilège financier, au nom de mes convictions professionnelles et de l’honneur de ma vocation.

 

Veuillez recevoir, madame, monsieur, mes salutations distinguées.

26/06/2009

La mascarade du bac 2009.

Hier jeudi, en début d’après-midi, je suis allé chercher mon paquet de copies de bac dans un lycée de Saint-Germain-en-Laye : me voilà avec une cinquantaine de devoirs à corriger et à rendre à l’administration du lycée le vendredi 3 juillet ! J’ai déjà, dès l’après-midi, noté cinq copies, de 12 à 17, en trois heures bien tapées. Et, en feuilletant le reste du paquet, j’ai eu l’impression que je n’aurai que peu de mauvaises notes : tant mieux pour les élèves !

 

Mais je suis quand même en colère, et j’ai montré ma mauvaise humeur au coordonnateur d’histoire-géo de mon jury de bac en refusant d’assister à la réunion « d’entente » (ou « d’harmonisation ») prévue officiellement avant la remise des copies aux correcteurs, tout comme j’ai refusé de lui laisser mes coordonnées téléphoniques et autres, simplement pour être libre de toute tentative de pressions à mon égard sur mes corrections et mes notes. Pourquoi cette attitude qui peut paraître étrange ou farouche ? Pour protester contre cette immense hypocrisie qui couvre aujourd’hui le baccalauréat et, en somme, décrédibilise le travail des enseignants ainsi que les matières qu’ils enseignent.

 

En veut-on un simple exemple ? Voici celui qui m’a été rapporté par une collègue qui participait, à contrecœur d’ailleurs, à l’une de ces réunions d’entente organisées partout en France, dans les lycées centres d’examens : la coordonnatrice a annoncé aux professeurs présents que la note minimale susceptible d’être donnée était… 10 ! Oui, la moins bonne copie doit tout de même être gratifiée de la « moyenne »… Et cette coordonnatrice d’ajouter que le jury et elle-même, à qui les collègues devaient rapporter leurs notes au fur et à mesure des corrections par téléphone ou par courriel, se réservaient le droit d’augmenter les notes qui ne correspondraient pas à cette exigence ! Je trouve que cette attitude est insultante autant pour les profs correcteurs désormais soumis (sans évidemment que l’éducation nationale n’assume cette position par un écrit officiel) à cette « obligation de résultats » (si l’on peut dire…) que pour les élèves à qui l’on fait croire que le bac est une chose sérieuse quand elle n’est plus qu’une mascarade, coûteuse et maintenant honteuse : quel gâchis !

 

Je signale qu’il y a deux ans, l’un des inspecteurs d’histoire-géographie de l’académie de Versailles, M. St., avait tenu le même type de discours démagogique sur les notes que cette coordonnatrice, devant mon jury, à Saint-Cyr-L’école…

 

De plus, cela permet sans doute de mieux comprendre pourquoi M. Xavier Darcos, alors encore ministre de l’éducation nationale, annonçait le premier jour des épreuves, jeudi de la semaine dernière, que le taux de réussite serait de 85 % cette année… Evidemment, avec de telles consignes…

 

Cette hypocrisie, ajoutée aux multiples incidents de cette année dans l’organisation des épreuves, les erreurs à répétition et les changements de sujets (pour cause de « fuites »…), me révulse. Les élèves en sont d’ailleurs les premières victimes car, du coup, la bonne réputation de « leur » bac est absolument défaite, et il suffit d’entendre ce qui se dit au comptoir des cafés et dans les salles de profs pour bien le saisir. Résultat : la véritable sélection se fait après le bac, dans des conditions qui laissent alors les « exclus » sur le carreau avec la terrible impression de trahison.

 

Oui, vraiment, quel gâchis !

16/12/2008

Réforme Darcos.

Le ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos a annoncé hier lundi le report de sa réforme sur l’organisation du lycée, quelques jours seulement après avoir déclaré qu’il ne serait pas le ministre de « l’hésitation nationale »… Faut-il en conclure que cette réforme est enterrée, comme croient le savoir de nombreux journalistes, ou qu’elle n’est que reportée, comme le prétendent le ministre et son président ?

En fait, le plus important n’est pas là : l’Ecole en France souffre d’une crise endémique et les réformes purement scolaires n’y changeront, en définitive, pas grand-chose, se contentant trop souvent d’accompagner des tendances de la société au lieu, parfois, de s’en démarquer et, donc, de les précéder, voire de les susciter. Ce n’était peut-être pas vrai au XIXe siècle (il y a débat sur ce thème…), mais c’est devenu une réalité très criante aujourd’hui : il suffit de constater, par exemple, combien les programmes d’histoire-géo (je parle d’abord de ce que je connais pour le constater chaque année) sont dépendants, avec toujours un large temps de retard, des idéologies et des « actualités » dominantes, à tort ou à raison, d’ailleurs. C’est quelque chose qu’il m’arrive de faire constater à mes élèves de classes de Seconde et de Première, en leur signalant la frilosité des programmes et des thèmes retenus : ainsi, en Seconde, je souligne combien des thèmes d’importance en géographie, comme « les énergies et leurs enjeux » par exemple, sont toujours absents des programmes et qu’ils n’apparaîtront que dans quelques années, quand ce thème se sera déjà imposé dans les enjeux économiques, politiques et géopolitiques depuis fort longtemps. Idem pour « la géopolitique », dont le terme même n’apparaît pas dans les manuels (ou alors de manière fort discrète…) alors que le chapitre 1 du programme de géo évoque les Etats et les frontières

Ce qui est vrai pour les programmes l’est aussi souvent pour les méthodes et les idéologies elles-mêmes : l’Ecole était encore marxisante quand le mur de Berlin finissait de s’écrouler, elle est aujourd’hui européiste quand le sentiment européen est plus idéologique que réel et qu’il se banalise en même temps qu’il s’étiole ; elle est encore très marquée par les pédagogismes de tout genre quand ces méthodes d’apprentissage scolaire sont désormais reconnues plus déstructurantes qu’efficaces, etc.

L’Ecole ne doit pas être le reflet des modes, quelles qu’elles soient, mais elle doit former les esprits et les êtres à affronter les défis d’un monde changeant, non pas en singeant l’actualité mais en s’appuyant sur des principes simples, des connaissances qui en appellent autant à la culture générale qu’aux nouveaux savoirs et savoirs faire, des méthodes qui privilégient l’humilité devant les réalités mais aussi l’esprit de conquête (qui n’est pas exactement l’esprit de compétition mais plutôt la volonté d’aller plus loin dans la connaissance et la réflexion) et la curiosité, etc. Cela me rappelle d’ailleurs un propos de Maurras qui expliquait que la liberté n’est pas à « l’origine » mais à « la fleur »… L’Ecole peut (doit ?) aider à cette floraison.

Au-delà des annonces sur l’organisation de la scolarité au lycée, la réforme Darcos était plus une réforme de comptable que d’Etat et, en ce sens, elle ne pouvait que manquer de souffle et d’ambition : elle avait d’ailleurs un côté « démago » qui déplaisait fortement aux syndicalistes enseignants « de droite » (je pense au SNALC, qui grognait fortement contre le libéralisme libertaire de cette réforme avortée, comme le prouvent ses circulaires).

Mais la vraie réforme qui pourra permettre d’aborder les autres dans de bonnes conditions, autant pour la mise en place que pour la réussite, c’est celle des institutions, celle qui les inscrira dans la durée et permettra l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat, cette « révolution politique » qui a pour symbole la fleur de lys…